Mémoires turcsMémoires turcs
D'Achmet Dely-Azet, bacha à trois queues, à Atalide, son esclave favorite.
Nous sommes enfin à Paris, ma chere Atalide. Quel pays ! Quelles moeurs ! On nous regarde ici comme des hommes extraordinaires, d'un caractere bisarre, d'une humeur mélancolique.
Les françois élevés dans des idées qui leur sont particulieres ; nous blâment de n'avoir pas ces façons vives, ces légéretés, ces caprices, qui nous paroissoient ridicules en eux, et qu'ils érigent en vertus.
Que je trouve la france différente du portrait charmant que je m'en étois formé sur le récit que tu m'en fis cent fois. Le ciel, à t'entendre, n'avoit pas d'habitans plus accomplis. Nous n'étions que des barbares. Non, belle françoise, dans toute ta nation je ne trouve rien que tu ne surpasses à mes yeux. Te possédant dans mon serrail, je possede ce que la France a de plus aimable. J'en puis parler mieux qu'un autre, mettant toute mon étude à la connoître. De quel secours ne m'est pas à présent la langue de ta patrie, que tu m'as apprise par l'habitude que j'ai eue si long-tems de te l'entendre parler, et de te la parler moi-même ?
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